Elle [PV Lily Potter]

Une fois de plus, Philip déambulait seul dans le château. Seul… Seul… SEUL… Le mot résonnait dans sa tête, aussi discret qu’une énorme cloche dans une église. Si seulement il existait un sort pour arrêter d’entendre ce genre de voix désagréable… Son père lui dirait que c’est obsessionnel, sa mère, inquiétant. Et si une personne normale pouvait entrer dans son cerveau à cet instant, elle emploierait plutôt les termes de « pathétiquement alarmant ».

Alors qu’il tentait de créer un vide crânien pour faire taire les voix, Philip passa devant une armure et vit son reflet. Avec mécontentement, il s’aperçut que sa coiffure était proche d’une indécence passible de la peine de mort. La faute à ce fantôme farceur qui lui avait lancé une bombabouse quelques minutes auparavant en hurlant : « Philip, tu flippes, t’as fait dans ton slip ! Philou, pauv’ chou, reste dans ton trou ! », le tout ponctué de bruits de sévère indigestion.

Aidé de son reflet, Philip tenta d’arranger ses cheveux, sans grand résultat. Il tira sa baguette dans l’intention d’employer une formule qu’il avait vue griffonnée dans la marge d’un livre à la bibliothèque, et qui disait : Pour fixer les tifs, mec. Tout élève un tant soit peu intelligent ne se serait pas risqué à l’utiliser, mais Philip oubliait d’être intelligent lorsqu’il se trouvait sur un itinéraire où elle pouvait potentiellement passer.

- Gélafix, murmura-t-il, et une noix gélatineuse se forma au creux de sa main.

Il l’étala dans ses cheveux. Elle était froide et visqueuse, mais elle sembla remplir son rôle : les cheveux de Philip se maintinrent en place peu après.

Satisfait, Philip s’arracha à la contemplation de son reflet et poursuivit son chemin lorsqu’elle apparut dans le fond du couloir, marchant dans la direction opposée à la sienne.

Lily Potter.

Le cœur de Philip cessa presque de battre, sa respiration se bloqua. Les « SEUL SEUL SEUL » s’évaporèrent de son esprit en une fraction de seconde et un immense vide se forma à la place. A toute vitesse, il réfléchit à ce qu’il convenait de faire. Il pourrait partir en courant en sens inverse, mais Lily s’en apercevrait et le prendrait pour un trouillard (ce qu’il était). Tant pis : il devrait résister à leur croisement.

Le plus calmement possible, il reprit son souffle et continua d’avancer, comme si de rien n’était. Des questions meurtrières lui tapaient le cerveau comme des marteaux : pourquoi ses jambes étaient-elles si raides ? Sa coiffure tenait-elle ? N’avait-il pas un cil au coin de l’œil, ou un bouton sur le nez ? Lily le regardait-elle en ce moment ?

A l'instant où il passa à côté d’elle, le souffle bloqué, son pied buta contre une dalle du sol et il trébucha. Le livre qu’il tenait à la main tomba aux pieds de Lily Potter.

Sauter d’une falaise, nager dans un nid de Scroutts à pétard, s’endormir sur la toile d’une Acromentule, ou encore récurer les pieds d’un troll. Tout cela n’était rien, rien, comparé à tomber devant Lily Potter, LA Lily Potter, et percevoir son cri de douleur lorsque le livre lui atterrit sur le bout du pied. Philip n’entendrait probablement plus jamais rien, ses tympans venaient forcément de se fendre sous ce hurlement lilypotterien.

Mourir n’avait jamais été aussi attirant.

Philip croyait avoir atteint le summum de la gêne en s’étalant de tout son long aux pieds de Lily, et ses joues ne pouvaient pas devenir plus rouges qu’elles ne l’étaient. Mais il se trompait. Quand Lily lui toucha le bras pour qu’il se relève, il eut une telle décharge qu’il faillit chuter à nouveau, et il se demanda si ses oreilles n’avaient pas pris feu tellement elles lui brûlaient.

Les lèvres de Lily remuèrent tandis qu’il se remettait debout, mais il n’en comprit pas le moindre mot, et il crut pendant un moment qu’il était réellement devenu sourd. Le sang lui battait les tempes si fort que le bruit de ses pulsations avaient dû masquer la voix très certainement suave de Lily. D’ailleurs, Lily les entendait sûrement : boumboumboumboumboum. Tout le château devait trembler en ce moment même au rythme des battements de son cœur.

- Je suis vairment narvé… euh, vraiment navet… navré, je…

Mais il avait marmonné si bas et si indistinctement que Lily n’entendit rien (heureusement). Elle voulut lui rendre son livre mais elle le fit tomber à nouveau sur son pied. Philip n’en crut pas ses yeux et son visage se décomposa lorsqu’il vit que Lily était en train de pouffer de rire.

Elle te prend pour le dernier des crétins, lui dit une voix dans sa tête, si fort que c’en fut presque douloureux, et qu’il rata encore les paroles de Lily. Il ne perçut que les mots « vert et rose » et « drôle ».

Devant son expression qui devait être proche de l’horreur incarnée, Lily parut soudain désolée car elle baissa les yeux et une fois encore, sa bouche s’agita sans qu’il n’entende rien.

Trouve quelque chose à dire. Un truc cool, qui la mette à l’aise. Vas-y, crétin.

- Euh…

C’était le « euh » le plus sonore de toute l’histoire des « euh », Philip en était convaincu. Pendant trois longues secondes, il fut incapable d’articuler la moindre phrase. Il n’était plus très sûr qu’il savait parler, jusqu’au moment où Lily se massa le pied et que les mots lui reviennent. Il parvint même à afficher un sourire d’excuse en les prononçant de façon intelligible cette fois :

– Je suis désolé, je… Il y avait cette dalle sur le sol et je… Tu t’es fait mal ?

- Tu es désolé ? s’exclama-t-elle et Philip crut qu’il allait fondre sous le sourire radieux qu’elle lui adressa. C'est moi qui suis désolée ! J'viens de rigoler à cause tes cheveux roses et verts qui sont sûrement là exprès vu que tu n'as pas réagi ! Et c'est toi qui es désolé?

Elle rit. Philip n’avait jamais rien entendu d’aussi fabuleux. C’était comme des éclats scintillants au bord d’un lac aux reflets turquoises. Intérieurement, il remercia le ciel de ne pas lui avoir vraiment ôté l’audition.
Après la paralysie provoquée par la peur de lui avoir fait mal, l’état d’ébriété délicieuse dans lequel il baignait lui empêcha de trouver quelque chose à dire et il se contenta d’écouter Lily, qui parlait avec légèreté. Philip remarqua qu’elle sentait bon, une odeur fleurie avec un soupçon de fruit boisé. Elle le regardait avec ses yeux d’un vert délicat – ou bien était-ce bleu ? l’éclairage jouait des tours – qu’elle avait probablement hérité de son père, le célèbre Harry Potter.

-On recommence depuis le début, okay ? A partir du moment où tu es tombé et que j'ai ramassé ton livre ! (Elle fit une petite pause, puis d’une voix nouvellement chaleureuse, elle reprit : ) Ca va ? Tu ne t'es pas fait mal en tombant? Tiens, voilà ton livre! Très jolie couleur de cheveux en passant ! Tu lis quoi ?

Elle lui rendit son livre. Avec une lenteur désespérante, il le reprit. Les doigts de Lily l’effleurèrent durant l’échange et il se fit la promesse de ne pas se laver les mains avant le lendemain matin au moins.
Enfin, l’information lui monta au cerveau (On t’a posé une question, réponds !) et avec une expression qu’il espérait décontractée, il articula :

- Ca va. Euh, oui… ça, c’est une coloration, je fais des essais… C’est encore expérimental, bien sûr. Vert et rose… Pas très viril, hein ?

Mais qu’est-ce que je raconte ?

- Sinon, ça, c’est un bouquin que j’ai emprunté à la bibliothèque, j’allais le rendre, il n’était pas très intéressant. (Il se passa nerveusement une main dans les cheveux dans un geste qu’il voulait désinvolte, puis la tendit à Lily.) Au fait, je suis ravi de te connaître, Lily Potter. Je m’appelle…

Mais Lily ne saurait jamais son prénom. Avec horreur, Philip vit des mèches de cheveux verts et roses collées entre ses doigts. Il tâta sa tête et sentit la peau nue à l’endroit où s’étaient trouvés les cheveux quelques secondes auparavant.
Sans rien ajouter d’autre qu’un « Jeureumpfung » qui ne signifiait affreusement rien, il déguerpit en courant. Il entendit Lily Potter dire quelque chose dans son dos mais il ne prit pas la peine d’essayer de comprendre et continua de s’enfuir en direction de l’infirmerie, des mèches vertes et roses voletant dans son sillage.



[Je te laisse clore le RP, c’était super ! J’ai hâte de la prochaine rencontre ]